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Viols

Texte relatant un des derniers épisodes de ma vie avec lui

A lire sous la photo ;)


"Un rêve.


Un vent glacial s'engouffre en moi, me gèle les doigts. Je tremble. Tout me paraît froid et désertique autour de moi. Je suis seule. … Personne.

Mes pieds s'enfoncent légèrement dans la neige glacée. Tout risque de craquer sous mes pieds. Mais pourtant je dois avancer. Je lutte contre le froid et le vent. Rien pour me réchauffer. Je suis désespérément seule."




Ces années de vie là n'étaient pas un rêve.

Chaque fois qu'il me demandait de fermer le restaurant rapidement après les derniers clients du soir, j'avais pour ordre d'aller prendre une douche. La douche... je savais ce qui allait m'arriver. J'allais passer à la casserole.

Selon lui, c'était pour mon bien. Je n'avais pas eu une sexualité épanouie avec mon premier compagnon, tandis que lui avait eu des dizaines et des dizaines de femmes dans sa vie. Il se sentait très libre avec le sexe. Moi, j'avais un problème. D'ailleurs, au bout de 9 mois de relation avec moi, il n'avait jamais réussi à prendre son pieds avec moi. Tel était son discours.



Je prenais ces douches en essayant de me persuader qu'il avait raison, alors que des larmes coulaient malgré moi sur mon visage. Je sanglotais seule dans la salle de bain, prenant une grande inspiration en me séchant, me demandant parfois si ce que je vivais était un rêve ou la réalité.


Je devais attendre seule dans la pénombre d'une chambre qu'un homme arrive. Souvent, c'était un échangiste qu'il avait lui-même choisi sur internet, sans me consulter. Parfois, c'étaient des clients de notre hôtel. Il envoyait des textos avec le portable professionnel en se faisant passer pour moi.

Mon corps était alors dans une tension sous haut contrôle. Je ne pouvais pas me permettre de dire que je ne voulais pas. Je ne pouvais pas donner le moindre signe de mon désaccord à ces hommes.

Je devais faire semblant. Semblant d'être consentante face à eux et face à lui sous peine de devoir subir sa colère, sa violence et ses perversions durant les heures et dans les jours qui suivraient, faisant de mon quotidien un enfer.


Lorsqu'il arrangeait un rendez-vous avec un échangiste, il pouvait être présent. Parfois il participait et parfois il regardait librement. Dans ces moments là, je demandais à avoir les yeux bandés. Je m'épargnais ainsi ce sinistre spectacle. Cela me paraissait moins douloureux à vivre mais cela n'en restait pas moins mortifère. Il est arrivé que certains hommes ne puissent pas terminer l'acte sexuel. Mon désir était inexistant et mes gestes faux. Sans doute devaient ils s'en rendre compte mais ils se taisaient.


D'autres fois il restait caché derrière une porte ou une fenêtre et regardait. On pouvait parfois voir sa silhouette bouger. On entendait le parquet craquer. Lorsque les hommes partaient, s'il estimait que cela c'était bien déroulé, alors il me violait. Il me prenait sans me demander si j'avais envie, sans me poser de question. Évidemment je n'avais pas du tout d'envies après ce que je venais de vivre. Tout chez lui me terrorisait ou me répugnait. Tout ce que je faisais était fait parce que j'avais une peur bleu de cet homme.


Lorsque cela ne se terminait pas comme il voulait, j'avais droit à une gifle, des réprimandes, du dénigrement, du harcèlement, de la colère, toute sorte de situations qui m'achevaient encore plus... Je n'étais finalement rien. Qu'une chose dénuée de son âme, mes paroles ne comptaient pas pour lui. J'avais beau lui dire avec conviction, lui expliquer avec toutes mes tripes, lui dire de toutes mes forces que je ne voulais plus, cela restait sans conséquence. Il continuait à chercher encore et encore de nouveaux hommes, en permanence. C'était devenu une obsession.


Je finissais par me dégoûter moi-même. Certains jours, je n'avais plus ni la force, ni l'envie de me laver. Une part de moi voulait aussi le dégouter de mon corps. Je ne voulais plus qu'il me touche. Alors je restais sale une journée ou deux et j'étais épargnée. Je voyais le dégout dans son regard et c'était tout ce qui m'importait. Un peu de répits...


La vraie raison de mon départ, enfin devrais-je dire de ma fuite, est directement liée à ces viols arrangés.

Au cours des dernières semaines de notre vie commune, il avait envoyé de nombreux messages à notre revendeur de café, toujours en se faisant passer pour moi. Un après-midi, il m'a demandé de fermer le bar et de monter dans une chambre de l'hôtel. Lui était nu, dans un lit, en train d'envoyer des textos excitants à cet homme.

Il m'a demandé de l'appeler et de le chauffer. L'effroi pour moi ! J'avais la peur au ventre. Il n'y avait personne dans l'établissement. Nous n'étions que tous les deux. Je n'ai pas eu le choix. J'ai tenté une négociation pour éviter de passer cet appel. Mais rien ne pouvait empêcher sa détermination. Alors je me suis exécutée.


Quelques jours plus tard, au cours d'une énième manipulation de sa part, il a fini par se défouler sur moi. Il m'a frappé au corps et au visage alors que j'étais recroquevillée sur le canapé.

Le lendemain, c'était le lundi 6 juin 2016, je savais que le vendeur de café devait passer au bar pour prendre notre commande. J'étais dans l'établissement avec la serveuse Helena et j'allaitais mon bébé. Lui était dans la maison qui jouxtait le restaurant. Il a prétexté que j'avais laissé une fenêtre ouverte. Il y avait un courant d'air qui faisait claquer une porte à l'étage. Cela l'empêchait de dormir. Il m'a fait appeler par la serveuse pour que je la ferme. J'étais terrorisée à l'idée de me retrouver seule avec lui dans la maison. C'est Helena qui m'a convaincue d'y aller. Elle me disait qu'elle serait à côté si cela se passait mal. Alors j'ai pris mon courage à deux mains. J'y suis allée. J'ai fermé la fenêtre mais au retour, il a voulu que l'on parle. J'ai refusé, car le dialogue était devenu de toute façon impossible entre nous. La rage et la colère se sont alors emparées de son visage qui s'est mis à trembler, presque à vibrer. Je le voyais presque se gonfler de férocité. Prise de panique, la peur au ventre, je suis partie le plus vite possible en claquant la porte. Il n'a pas essayé de me rattraper.


De retour au restaurant, il a de nouveau envoyé des sms à Helena pour finir par me dire que je devais rentrer à la maison pour me détendre et prendre une douche ! Je savais donc ce qui m'attendait ce matin là et je ne le supportais pas. Pas encore ! Non, pas une fois de plus !


Il a dit que nous n'avions pas besoin d'être deux dans l'établissement à 10h00 du matin. Il est vrai que les clients se faisaient rares à cette heure. A ce moment là, je n'ai pas réfléchi. J'ai pris mon enfant dans mes bras, mon sac à main, les clés de la voiture et je suis partie, tremblante de tout mon corps. J'ai posé le petit à l'avant de la voiture, sans qu'il soit attaché, sans aucun siège auto ! J'étais dans une fuite inévitable. Dans un geste désespéré. Plus rien ne comptait que cette fuite. Je devais me sauver, il en allait de ma survie.


J'ai pris la direction du centre médico-social où se trouvait mon assistante sociale et l'infirmière de la PMI, en larme. Elles m'ont reçu toutes les deux en urgence sur le champ. A partir de ce moment, j'ai compris que les cartes étaient entre mes mains. Nous avons organisé mon départ presque secrètement en informant la gendarmerie et c'est lorsque je suis me suis retrouvée dans la voiture de mon frère que j'ai compris que tout était fini.


Pendant toutes ces années, je n'ai pas réalisé que ce que j'avais vécu avec cet homme était du viol. C'est l'association ADALEA qui m'a expliqué ce que j'avais réellement subi.



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Colibri

Je suis créatrice et souffleuse de mots, guérisseuse des blessures de l'âme, guide de femmes et surtout libre comme l'air. J'aime faire passer la lumière, ouvrir des portes et parfois bousculer pour faire opérer un changement de cap...

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